Une récente étude américaine, publiée en Février 2022 dans la revue scientifique Nature Medicine, rapporte une augmentation du risque de troubles cardiovasculaires dans les 12 mois suivant une infection à COVID-19, y compris dans les formes peu sévères sans hospitalisation. Le Pr Hubert Cochet, responsable du pôle technologie pour la santé à l’institut Liryc, et qui a conduit deux études sur le sujet, partage son regard pour mieux comprendre les conclusions de cette étude.
Un sur-risque avéré de troubles cardio-vasculaires
Dans cette étude, les équipes de l’Université Washington à St-Louis ont utilisé une large base de données extraite du système de santé américain. Ils ont étudié la survenue de troubles cardiovasculaires dans les 12 mois suivant une infection à COVID-19 au sein d’une cohorte de plus de 150 000 patients, comparativement à des sujets n’ayant pas présenté l’infection, ou tout du moins ne l’ayant pas rapportée. Les résultats montrent un risque accru d’évènements cardiovasculaires dans l’année suivant l’infection à COVID-19, notamment de troubles du rythme et d’insuffisance cardiaque. Le risque apparait très augmenté chez les individus ayant présenté une infection sévère avec une hospitalisation, ce qui avait déjà été rapporté dans de précédentes études. Le résultat nouveau néanmoins est qu’un impact est déjà présent, bien que plus faible, chez les sujets ayant présenté une infection non sévère sans hospitalisation.
La force de cette publication réside dans le très grand nombre de personnes incluses à l’étude. Contrairement aux études conduites à Liryc qui se consacrent à une approche « patient », et dont l’objectif est d’évaluer le risque à l’échelle de l’individu « malade » et d’en déduire une prise en charge, cette étude permet de porter un regard plus macro. C’est ce que l’on appelle une étude de santé publique, c’est à dire analysant l’impact de la maladie sur les systèmes de santé.
Des conséquences médico-économiques sur les systèmes de santé, plus que sur la santé individuelle
Il faut donc interpréter avec prudence les résultats, et les positionner dans un schéma de santé publique. En effet, un impact peut tout à fait être considéré comme négligeable à l’échelle individuelle, mais représenter un enjeu majeur de santé publique. A titre d’exemple, pour un individu le risque annuel de présenter une fibrillation auriculaire se situe en France autour de 4 pour 1000. L’étude américaine rapporte que dans les suites d’une infection à COVID-19 non grave, ce risque pourrait augmenter de 30% dans les 12 mois suivant l’infection, soit entre 5 et 6 pour 1000. A l’échelle individuelle ce risque reste donc toujours minimal et ne doit pas conduire à la réalisation systématique d’examens complémentaires et de bilans cardiologiques dans les suites de l’infection. Ceci est par ailleurs confirmé par l’étude Liryc COVID-CMR qui devrait être publiée sous peu, dans laquelle nous n’avons pas retrouvé un nombre significatif de lésions cardiaques silencieuses après COVID 19 non grave, malgré l’emploi de méthodes IRM avancées.
En revanche, cette étude Américaine récente souligne la nécessité pour les pouvoirs publics et les systèmes de santé du monde entier de se préparer à l’augmentation de la charge des maladies cardiovasculaires, car si le sur-risque est peu impactant à l’échelle de l’individu, il l’est à l’échelle de la population. En effet, une part importante de nos populations a présenté une infection à COVID 19 non grave. Si les résultats rapportés dans cette étude se confirmaient et s’ils venaient à perdurer dans le temps (au-delà de 12 mois après l’infection), la pandémie pourrait modifier en profondeur l’épidémiologie des maladies cardiovasculaire, avec en particulier une augmentation importante des cas insuffisance cardiaque, de mort subite ou d’accidents vasculaires cérébraux.
Quelles solutions ?
Les solutions doivent être apportées à l’échelle du problème, c’est à dire à celle de la population. La première est d’ordre préventive, reposant sur la stratégie vaccinale associée en phase de rebond épidémique aux mesures de distanciation sociale. L’enjeu est de limiter le nombre de patients infectés, mais également de diminuer la gravité des infections puisqu’il existe un lien fort entre la sévérité de l‘infection et le sur-risque cardiovasculaire. Mais la circulation du virus est telle qu’il faut aussi préparer nos systèmes de santé à cette augmentation importante des maladies cardiovasculaires. En raison de la nature chronique de ces affections les conséquences devraient être durables avec un impact sur la formation des professionnels de santé et l’organisation des soins.